Abdoulaye Konaté, le textile pour palette

[30/04/2024]

Le Mali est un gisement de talents dont Abdoulaye KONATÉ est l’un des grands représentants et des grands soutiens, en tant que membre fondateur d’un fonds africain pour la culture visant à financer des projets de jeunes artistes. Né en 1953 à Diré, Abdoulaye Konaté trouve son expression dans le textile au début des années 1990, utilisant d’abord le coton puis le bazin en toiles de fond pour des installations aux fondements socio-politiques. Aujourd’hui, c’est dans le quartier ACI 2000 de Bamako qu’il compose des tableaux à la lisière de la peinture, la sculpture et l’installation. Aidé par son équipe d’assistants, il découpe et recoud des languettes de tissus qui, placées bout à bout et superposées, donnent des œuvres magistrales aux chromatismes subtils. Il réalise de grands formats, souvent réservés aux institutions, aux fondations et aux musées, ainsi que de pièces plus petites répondant mieux aux besoins des collectionneurs privés.

Au-delà de la délectation esthétique que peuvent procurer ses œuvres, leurs jeux de reliefs, de formes et de camaïeux offrent des dialogues avec la nature dans leurs dégradés colorés, et avec les cultures, à travers les motifs rythmant la surface des œuvres et les histoires ancestrales qui se racontent dans la réactivation des savoirs liés au textile. 

Parcours

Après une formation en peinture à l’Institut National des Arts de Bamako, Abdoulaye Konaté fait ses gammes à l’Instituto Superior de Arte de La Havane de 1978 à 1985 et expose déjà le fruit de ses recherches aux Biennales de La Havane (en 1984 puis 1986). À une époque où  l’intérêt pour les artistes Africains commencent à vibrer hors du continent, ses oeuvres entament leur grand voyage : la Banque mondiale à Washington en 1991, le Setagaya Museum de Tokyo en 1995 et la biennale de Dakar en 1996 où il reçoit le Grand Prix Léopold Sédar Senghor avec un Hommage aux chasseurs du mandé. Cette œuvre composite marque si bien les esprits qu’elle est demandée pour diverses expositions à Bamako, à Dakar, à Paris, à Tokyo.

 

Papillon bleu pour Fès (2016)

 

En 2002, Konaté marque profondément les esprits à l’occasion de l’ouverture de la Coupe Africaine des Nations en recouvrant le stade d’une gigantesque toile, créée en hommage aux victimes du SIDA. Il est fait Chevalier de l’Ordre National du Mali et nommé Chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres de la France la même année, puis ses œuvres tracent leur route à Africa Remix à Düsseldorf, Paris, Londres (2005), à la Documenta de Kassel (2007) et jusqu’à New York où, en faisant l’acquisition d’une œuvre majestueuse en 2015 (Bleu no. 1, 234 x 368,9 cm), le Metropolitan Museum of Art confirme aux yeux du monde que Konaté doit être considéré comme l’une des grandes figures de l’art actuel.

En 2022, Konaté est reconnu comme un “maître” lors de la Biennale de Dakar. Sollicité internationalement, il expose à Kassel pour la Documenta, au Japon, et à Casablanca avec la Galerie 38. Il participe également à la foire 1-54 de Londres avec la galerie Primo, tout en prenant part à des expositions collectives au Ghana, au Danemark et en Suisse. Ses œuvres laissent une empreinte indélébile à travers le monde, culminant en une année record aux enchères en 2023, malgré un marché relativement restreint en termes d’offres.

 

Évolution du produit des ventes des Konaté aux enchères en milliers de dollars. Copyright Artprice.com

Avec seulement deux adjudications, Konaté s’est hissé parmi les 2 000 artistes les plus performants du marché des enchères en 2023, alors qu’il ne figurait pas parmi les 50 000 premiers il y a une décennie. L’année dernière, une vente au Maroc a vu son œuvre Papillon bleu pour Fès (2016) partir pour 93 300$ chez Artcurial Marrakech, établissant un nouveau record aux enchères pour Konaté. Toutefois, ce record indique que son marché n’est pas influencé par la spéculation, certains artistes plus jeunes atteignant des prix bien plus élevés.

Les œuvres de Konaté sont rares sur le marché des enchères, car les collectionneurs sont réticents à s’en séparer. Leur valeur augmente progressivement, à l’image de leur créateur, avec patience et discrétion, reflétant une appréciation authentique plutôt que des fluctuations spéculatives.

 

Article Artmarket Insight publié chez notre magazine partenaire Diptyk